Rappel historique sur l’artiste Lê Phô
Fils du vice-roi du Tonkin, Lê Pho est un artiste phare de la première promotion de l’École des Beaux- Arts d’Indochine (1925 – 1930), qui très tôt manifeste des prédispositions pour la peinture. Repéré par Victor Tardieu, le directeur de l’école, il devient l’un des meilleurs élèves et assimile rapidement toutes les techniques enseignées par les professeurs.
Si l’école des Beaux-Arts d’Indochine est destinée à former les jeunes artistes aux techniques occidentales, elle valorise également les arts traditionnels Vietnamiens comme la peinture sur soie ou la laque. La laque est un matériau qui s’obtient après préparation de la sève végétale du laquier, un arbre qui pousse en abondance dans une province au nord d’Hanoi, à laquelle on ajoute de l’essence de térébenthine.
Ce procédé de fabrication long et fastidieux fut inculqué aux élèves avec la volonté de redécouvrir un savoir-faire ancestral. Lê Pho a produit très peu de laques mais au sein de l’école des beaux art de Hanoï, en compagnie de son camarade Tran Quand TRAN (Ngym), ils modernisent les techniques en apportant des innovations notables et en assurent la promotion en compagnie de Joseph Inguimberty et de Alix Aymé, deux artistes Français spécialistes de la laque, enseignants à l’école des Beaux Art d’Indochine.
En 1931, grâce à Victor Tardieu qui lui demande de devenir son assistant, Lê Pho participe à l’Exposition coloniale de 1931 à Paris. Il travaille sur le Salon de laque du Pavillon du temple d’Angkor reconstitué pour l’occasion, avec de jeunes artistes comme Le Van De, Thang Tran Phenh, Do Duc Thuan et To Ngoc Van et expose à cette occasion un spectaculaire panneau en laque noire, rouge et or intitulée « Paysage Tonquinois Sai Son, province de Son Tay ». Il reste un an à Paris pour suivre des cours à l’école des Beaux-Arts et entreprend un voyage en Italie où il découvre les peintres primitifs qui auront une forte influence sur son œuvre.
Il rentre en Indochine en 1933, et grâce à Victor Tardieu, il enseigne à l’École des Beaux-Arts de l’Indochine à Hanoï jusqu’en 1936, année féconde durant laquelle il va créer plusieurs laques magistrales dont notre panneau « Jeune garçon à l’oiseau d’or ». Dans une végétation luxuriante réalisée en camaïeu de gris, un jeune Vietnamien tient dans la main en toute sérénité un oiseau rehaussé d’or.
Si le sujet évoque encore l’Asie, les tonalités utilisées, la simplification des formes et la modernité qui s’en dégage, par son traitement ce rare panneau de laque s’apparente désormais à un travail occidental et évoque les laques Art déco de jean Dunand que Lê Pho a pu découvrir lors de l’exposition coloniale internationale de 1931. Cette même année, il réalisera de grands panneaux de laque destinés à décorer le stand de la section Indochine de l’exposition internationale de Paris en 1937 qui marqueront la fin d’une magnifique série. 1937 sera pour Lê Pho une date charnière; directeur de la section Indochinoise de l’exposition universelle de Paris, il quitte l’Indochine pour s’installer définitivement en France comme ses amis peintres, Mai Thu, Vu Cao Dam et Le Thi Luu.
La laque de Lê Pho que nous avons eu la chance d’étudier fut totalement inédite sur le marché de l’art. Elle provennait de la collection de Monsieur Louis Charles Blanchet.